Portes ouvertes au Haras de Cercy : Au bonheur de l’Obstacle
Samedi 6 janvier 2024, Haras de Cercy-la-Tour (Nièvre). – C’est avec un immense plaisir que j’ai pu reprendre la route de Cercy-la-Tour cette année pour retrouver dans la Nièvre les forces vives de l’obstacle français, une fois encore, un bon quart de siècle après ma première visite.
C’était à la fin des années 90. Il s’agissait alors d’une simple assemblée générale du syndicat d’élevage des AQPS de la Nièvre. Nous nous réunissions dans la salle Jeanne d’Arc, située dans la ville, au bord de l’Alène, qui se jette dans l’Aron, un peu plus loin. Plus tard, ce serait dans la salle François Mitterrand, où nous nous retrouvions chaque année plus nombreux, et toujours plus heureux. Parce que nous avions l’impression d’être en famille, parce que la chaleur de nos hôtes nivernais m’avait instantanément fait aimer cet endroit, sa flore et sa faune, c’est-à-dire et ses chevaux, jusqu’à en oublier la laideur de cette MJC. Le jeune journaliste y trouvait aussi du grain à moudre, car les quelques Parisiens qui se retrouvaient là-bas avaient la parole plus facile qu’au siège de France Galop, où je n’avais pas d’entrées. On apprenait beaucoup, à écouter les intervenants à la tribune, et au fil des conversations qui s’en suivaient, jusqu’à pas d’heure, ici et là.
Il y avait donc l’utile, et surtout l’agréable
Entre ce jour-là et la dernière opération « Portes Ouvertes » du Haras de Cercy-la-Tour, c’est comme si une révolution avait tout chamboulé. Les Haras Nationaux et leurs stations éparses, leurs répartitions alambiquées, tout ça a disparu. La Coopérative du Haras de Cercy est désormais à la manœuvre, et les éleveurs de la Région se sont pris en main, en toute autonomie. Jacques Cyprès, président de la Coopérative, ne fut pas la moindre des chevilles ouvrières dans l’édification de ce succès. Ce samedi 6 janvier 2024 au matin, il pouvait se réjouir de tout le chemin accompli en citant les étalons qui, désormais, font la réputation internationale du Haras de Cercy. Depuis Shaanmer Nivernais, première acquisition du Haras en partenariat avec les collectivités locales, que le conseiller départemental Daniel Barbier citait avec sa gourmandise habituelle, l’offre de Cercy a explosé. Ce fut un premier pas vers l’auto-détermination, un peu l’équivalent de la prise de la Bastille dans cette révolution-là… À présent, les champions et les espoirs de Cercy sont Cokoriko (champion de France des étalons d’obstacle pour la première fois, et présenté avec une écharpe tricolore à l’encolure), Karaktar, Tunis, Ivanhowe, Prince Gibraltar, Wonderful Moon, Zaskar (Sea the Stars et Zarkava), David du Berlais, confié à Cercy par Pierre Pilarski, ou encore Pretty Tiger, partagé avec Nicolas de Chambure, du Haras d’Étreham…
L’indépendance, c’est aussi la responsabilité de faire des choix lorsque le cours des choses va dans le mauvais sens, raison pour laquelle le Haras de Cercy a dû se séparer d’une part de Karaktar, acquise par la famille Papot. L’opération a permis de rétablir les comptes après les secousses de la Covid. Responsabilité encore lorsque de lui-même, le conseil d’administration intègre un contingent de jeunes coopérateurs pour commencer à bâtir la gouvernance de demain. Responsabilité, enfin, lorsqu’il faut chercher à s’étendre pour mieux accueillir les centaines de juments qui se pressent désormais aux portes du haras.
Le chemin accompli depuis la salle Jeanne d’Arc se mesure aussi à la popularité de cette journée Portes Ouvertes et à la participation de quelques-unes des personnalités les plus éminentes du galop français, à commencer par son nouveau président, Guillaume de Saint-Seine, qui a pris la parole devant l’assemblée réunie au Haras où se côtoyaient de nombreux membres de son Comité, et même de son Conseil d’administration avec Hervé d’Armaillé (Président de l’Association AQPS) et Nicolas de Chambure… Élu le 12 décembre, Guillaume de Saint-Seine prend peu à peu possession de son nouveau territoire, et distille sa façon d’aborder les dossiers : « Je souhaite une gouvernance plus collégiale, car je pense que nous sommes plus intelligents collectivement. Nous devrons travailler sur l’image des courses, qui ont progressivement, mais peut-être pas inexorablement, été marginalisées dans les médias. Notre but est d’inverser cette tendance. Je veux aussi vous assurer de mon attachement à l’Obstacle, parce que selon moi, la relance de l’Obstacle contribue à celle du Galop tout entier. Il y va de notre intérêt à tous. Les axes sur lesquels je souhaite que nous travaillions pour cela sont la saisonnalité des courses, les encouragements, l’optimisation, et la visibilité, ou la promotion. »
Le président de France Galop a désigné son conseiller spécial Patrick Klein, tête de liste des propriétaires pour Alliance Galop, à la tête de la relance de l’Obstacle. S’agissant de saisonnalité, il s’agirait de démarrer la saison en octobre pour y mettre un terme fin-mai, avec une pause plus courte en hiver, de façon à privilégier les pistes plus souples et moins rapides, à l’exception des hippodromes littoraux. Il sera aussi nécessaire d’analyser soigneusement les carrières des chevaux.
Guillaume de Saint-Seine s’est porté garant de la répartition 2/3-1/3, et il souhaite une prolongation des primes aux femelles de 5 ans en vérifiant progressivement l’effet de cette mesure sur les précédentes générations. Il dit aussi souhaiter un rééquilibrage des allocations vers les chevaux d’âge, tout en veillant à ce que les courses creuses soient les plus rares possibles. C’est une demande récurrente du PMU, auquel il a été demandé de réfléchir à l’ouverture d’une gamme de paris plus large pour ces courses spécifiques. Une étude indépendante doit aussi être menée pour comprendre les raisons pour lesquelles les enjeux, à conditions égales, sont inférieurs en Obstacle au plat ou au trot.
Tout cela figurait au programme d’Alliance Galop pour les élections
S’agissant de la visibilité et de la promotion des courses d’Obstacle, un effort budgétaire doit être consenti car le décalage entre les grands rendez-vous d’Auteuil et ceux de Longchamp sont importants. « Je souhaite une fête plus populaire pour les grandes réunions de l’obstacle, a déclaré le Président. Il faut s’inspirer des grands meetings régionaux et, parallèlement, donner les moyens à leurs promoteurs de continuer leur travail, mais sans leur dire comment faire. Ils savent mieux que nous ce qui convient pour promouvoir leurs courses. Le rôle de France Galop est d’engager les actions mais il faut ensuite laisser les structures régionales travailler. »
Sur le dossier du nouvel Auteuil, Guillaume de Saint-Seine a souhaité qu’on s’accorde plus de temps avant d’engager plusieurs dizaines de millions d’euros, car il est nécessaire, pour mieux concevoir le projet et coordonner le chantier, d’en définir le rôle et les ambitions, à savoir ramener du public, tout en replaçant comme il convient Auteuil dans son environnement, c’est-à-dire celui de Paris et des arrondissements alentour, mais aussi les villes avoisinantes. La commission ad hoc doit être remaniée prochainement et d’ores et déjà, le Président de France Galop se propose de faire jouer son réseau de façon à ce que la concession de la restauration à Auteuil, au cœur de l’accueil des acteurs des courses, puisse être améliorée.
Il a été annoncé que la Commission Finances de France Galop serait confiée à Nicolas de Chambure, celle du marketing revenant à Charles-Hubert de Chaudenay. Le Premier semestre à France Galop sera notamment consacré à l’établissement d’un plan à moyen terme qui permettra à chacun d’avoir davantage de visibilité sur la marche de l’institution pour la durée de la mandature.
C’est sur ce plan résolument optimiste que les quelque 500 participants, venus de toute la France, ont pu se retrouver ensuite pour admirer les étalons du haras puis partager un apéritif -sous l’œil curieux de David du Berlais, même lorsqu’on a vendu sous son nez une saillie de Tunis au bénéfice de Au-delà des Pistes, lot enlevé par Grégory Vayre- avant un déjeuner très réussi, aussi convivial que d’habitude, une table supplémentaire étant installée in extremis dans une écurie pour pouvoir accueillir les quelque 400 convives après l’inévitable ban bourguignon.
De la salle Jeanne d’Arc au Haras de Cercy, des années 90 à 2024, contres vents et marées, une seule chose n’a pas changé : le bonheur de se retrouver.
Emmanuel Roussel
Lire l’article du Journal du Centre sur l’événement, et l’interview de Guillaume de Saint-Seine qui y est publiée : cliquez ici.